Comment agir en tant que citoyen – Sensibiliser son entourage : parler des droits à la santé

Le droit à la santé : un acquis méconnu

Les Français connaissent mal leurs droits en matière de santé. Selon une enquête menée par l’Institut Martin en 2023, 62% des personnes interrogées ignoraient l’étendue exacte de leur couverture maladie et 47% ne savaient pas comment faire valoir leurs droits en cas de refus de soins. Cette méconnaissance touche particulièrement les populations les plus vulnérables : personnes âgées isolées, migrants, travailleurs précaires et habitants des zones rurales.

Marie D., assistante sociale au Centre de santé communautaire de Villefranche, constate quotidiennement cette situation : « Beaucoup de patients renoncent à des soins auxquels ils ont droit simplement parce qu’ils ignorent les dispositifs existants. J’ai vu des personnes accumuler des dettes alors qu’elles auraient pu bénéficier d’une prise en charge complète. »

Informer sur les dispositifs fondamentaux

La Protection Universelle Maladie (PUMA) garantit à toute personne travaillant ou résidant en France de façon stable et régulière un droit à la prise en charge de ses frais de santé. Pourtant, de nombreux bénéficiaires potentiels n’en font pas la demande par manque d’information. La Complémentaire Santé Solidaire (CSS), qui a remplacé la CMU-C et l’ACS, reste également sous-utilisée malgré sa gratuité ou son coût modique selon les revenus.

Pour les personnes en situation irrégulière, l’Aide Médicale de l’État (AME) constitue un filet de sécurité essentiel. Les conditions d’attribution incluent une présence sur le territoire français depuis plus de trois mois et des ressources inférieures à un plafond fixé. Cette information vitale doit être relayée par les citoyens engagés auprès des populations concernées.

Le parcours de soins : des droits concrets à faire connaître

Le droit d’accès à un médecin traitant reste théorique dans de nombreux territoires. Dans le département du Val-Vert, plus de 15% des habitants n’ont pas de médecin traitant déclaré, non par choix mais par impossibilité d’en trouver un acceptant de nouveaux patients. Pourtant, ce professionnel joue un rôle central dans l’orientation et la coordination des soins.

Pour remédier à cette situation, des initiatives citoyennes émergent. L’association « Santé Pour Tous » a mis en place un système de covoiturage médical permettant aux habitants des zones sous-dotées d’accéder aux cabinets médicaux des communes voisines. « Nous avons accompagné plus de 200 personnes vers des consultations l’année dernière », explique Thomas B., coordinateur du projet.

L’accès aux spécialistes constitue également un enjeu majeur. Les délais d’attente dépassent souvent plusieurs mois pour certaines spécialités comme l’ophtalmologie ou la dermatologie. Le droit à consulter dans des délais raisonnables doit être défendu collectivement.

Les droits individuels face au système de soins

Chaque patient dispose du droit de choisir son établissement de santé, qu’il s’agisse d’un hôpital public, d’une clinique privée conventionnée ou d’un établissement privé à but non lucratif. Cette liberté de choix reste fondamentale mais se heurte parfois à des contraintes géographiques ou financières.

Le droit d’obtenir un second avis médical demeure méconnu. Pourtant, face à un diagnostic grave ou à une proposition thérapeutique lourde, cette possibilité peut s’avérer déterminante. Dr. Laurent F., médecin généraliste, témoigne : « J’encourage systématiquement mes patients confrontés à des décisions difficiles à consulter un confrère. Cette démarche permet souvent de confirmer le diagnostic initial et rassure le patient sur la pertinence du traitement proposé. »

Le consentement libre et éclairé aux soins constitue un pilier de la relation médecin-patient. Il implique une information complète, loyale et adaptée à la compréhension du patient. Sensibiliser son entourage à l’importance de poser des questions et de demander des explications contribue à transformer la consultation médicale en véritable dialogue.

Les associations : alliées méconnues des patients

Les associations de patients jouent un rôle essentiel dans la défense des droits des malades. Elles fournissent information, soutien psychologique et parfois même accompagnement physique lors des démarches médicales. L’association « Vivre Avec » accompagne ainsi les personnes atteintes de maladies chroniques dans leurs parcours de soins.

Sylvie M., présidente d’une association dédiée aux patients atteints de maladies rares, souligne l’importance du réseau associatif : « Notre rôle ne se limite pas au soutien moral. Nous aidons concrètement les patients à naviguer dans le système de santé, à comprendre leurs droits et à les faire valoir auprès des institutions. »

Ces structures associatives proposent souvent des permanences juridiques gratuites, animées par des bénévoles formés aux spécificités du droit de la santé. Elles publient également des guides pratiques et des fiches d’information accessibles au plus grand nombre.

Sources d’information fiables : orienter efficacement

Face à la multiplication des sources d’information, parfois contradictoires ou erronées, orienter son entourage vers des plateformes officielles et fiables s’avère essentiel. Le site de l’Assurance Maladie (ameli.fr) constitue une référence incontournable pour tout ce qui concerne les droits sociaux liés à la santé.

Le Portail National d’Information en Santé offre également des ressources précieuses sur les droits des patients et les différentes démarches administratives. Les Maisons de Services Au Public (MSAP) proposent un accompagnement personnalisé pour les démarches en ligne.

Pour les situations complexes, les Centres Communaux d’Action Sociale (CCAS) présents dans chaque commune peuvent orienter vers les dispositifs adaptés. Les Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH) constituent le guichet unique pour les droits spécifiques liés au handicap.

S’approprier ses droits : des outils concrets

Sensibiliser son entourage aux droits à la santé passe par la transmission d’outils pratiques. La carte Vitale, par exemple, doit être systématiquement présentée lors des consultations pour garantir une prise en charge optimale. Son renouvellement en cas de perte ou de dysfonctionnement peut être effectué en ligne ou auprès de sa caisse primaire d’assurance maladie.

Le Dossier Médical Partagé (DMP), carnet de santé numérique sécurisé, facilite la coordination des soins. Il permet aux professionnels de santé autorisés d’accéder aux informations médicales essentielles : traitements, allergies, antécédents. Son utilisation reste cependant insuffisante, faute d’information sur son utilité.

La déclaration préalable à l’hospitalisation constitue également une démarche importante, permettant de connaître à l’avance le reste à charge éventuel. Les plateformes de simulation des droits comme celle proposée par la Caisse des Allocations Familiales permettent d’évaluer rapidement son éligibilité à différentes aides.

Faire face aux refus de soins : des recours méconnus

Les refus de soins discriminatoires constituent une réalité persistante, particulièrement pour les bénéficiaires de la CSS ou de l’AME. Une enquête menée par l’Observatoire du Droit à la Santé a révélé que 15% des bénéficiaires de ces dispositifs avaient fait face à un refus explicite ou déguisé (délais anormalement longs, horaires contraignants) au cours des douze derniers mois.

Face à ces situations, des recours existent. La saisine du Conseil de l’Ordre des médecins du département, le signalement à la caisse primaire d’assurance maladie ou la sollicitation du Défenseur des droits constituent des démarches efficaces mais trop rarement engagées.

L’association « Droits et Santé » a mis en place une permanence téléphonique dédiée aux victimes de refus de soins. « Nous accompagnons les personnes dans leurs démarches de signalement et nous observons que dans 70% des cas, une simple médiation suffit à résoudre la situation », indique Paul R., juriste au sein de l’association.

La mobilisation collective : un levier pour l’égalité d’accès aux soins

Au-delà de l’information individuelle, la mobilisation collective joue un rôle déterminant dans la défense du droit à la santé. Les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS), qui regroupent des professionnels d’un même territoire, constituent des interlocuteurs privilégiés pour faire remonter les difficultés d’accès aux soins.

Les conseils de quartier, les conseils citoyens ou encore les conseils de développement des communautés de communes offrent également des espaces de dialogue pour aborder collectivement les problématiques de santé territoriales.

La création de collectifs d’usagers du système de santé permet de porter plus efficacement certaines revendications. Dans la région des Hauts-Plateaux, le collectif « Santé pour tous au village » a ainsi obtenu l’installation d’une antenne médicale mobile après plusieurs mois de mobilisation.

Éduquer aux droits à la santé dès le plus jeune âge

La sensibilisation aux droits à la santé gagnerait à débuter dès le plus jeune âge. Certains établissements scolaires ont intégré cette dimension à leurs programmes d’éducation à la santé. Au collège Victor Hugo, des ateliers animés par l’infirmière scolaire permettent aux élèves de comprendre le fonctionnement du système de santé français et leurs droits en tant que futurs usagers.

« Les adolescents sont particulièrement réceptifs à ces questions, surtout lorsqu’on les aborde sous l’angle de l’autonomie et de la citoyenneté », observe Nadia T., infirmière scolaire. « Ils deviennent souvent des relais d’information efficaces auprès de leurs familles. »

Des guides adaptés aux différentes tranches d’âge ont été développés par plusieurs organismes de prévention. La brochure « Ma santé, mes droits » éditée par l’Institut National de Prévention et d’Éducation pour la Santé connaît un succès notable auprès des établissements scolaires.

Le numérique : opportunité et risque pour l’accès aux droits

Les outils numériques offrent de nouvelles possibilités pour informer sur les droits à la santé. Applications mobiles, webinaires, forums en ligne permettent de toucher un public large et diversifié. L’application « Mes Droits Santé », développée par un collectif d’associations, propose ainsi un parcours personnalisé selon la situation de l’utilisateur.

Cependant, la fracture numérique persiste et touche précisément les populations les plus vulnérables face au système de santé. Selon l’Institut National de la Statistique, 17% des Français ne disposent pas d’une connexion internet à domicile et 28% se déclarent peu ou pas compétents pour effectuer des démarches administratives en ligne.

Pour répondre à cette problématique, des initiatives d’accompagnement numérique se développent. Les ateliers « Clic Santé » proposés par la Médiathèque Centrale de Neuville initient les seniors aux démarches de santé en ligne. « Nous avons déjà accompagné plus de 150 personnes dans la création de leur espace personnel sur le site de l’Assurance Maladie », précise Jérôme L., médiateur numérique.

Pour aller plus loin : devenir ambassadeur des droits à la santé

Chaque citoyen peut devenir un véritable ambassadeur des droits à la santé au sein de son entourage. Cette démarche peut prendre différentes formes : organisation de réunions d’information dans son quartier, diffusion de documents pédagogiques, accompagnement personnalisé des personnes en difficulté.

Le réseau des « Médiateurs Santé » formé par la Fédération des Maisons de Santé illustre cette approche. Des citoyens volontaires reçoivent une formation aux droits à la santé et aux démarches administratives, puis partagent ces connaissances au sein de leur communauté.

Informer sur les droits à la santé ne se limite pas à la transmission d’informations techniques. Il s’agit également de promouvoir une vision de la santé comme bien commun et droit fondamental. Cette dimension citoyenne donne tout son sens à la démarche de sensibilisation.

Témoignage : l’impact d’une information partagée

Le parcours de Fatima B. illustre l’impact que peut avoir une information bien transmise. Arrivée en France il y a cinq ans, cette mère de famille ignorait tout de ses droits en matière de santé. « Une voisine m’a parlé de l’AME alors que je renonçais à consulter pour des douleurs chroniques. Sans elle, je n’aurais jamais osé franchir la porte du centre de santé », raconte-t-elle.

Aujourd’hui, Fatima participe à son tour à des cafés-discussions organisés par le centre social de son quartier pour informer d’autres femmes sur leurs droits. « Je leur explique les démarches avec mes mots, en partageant ma propre expérience. Cela les rassure et les encourage à faire valoir leurs droits. »

Ce témoignage souligne la dimension profondément humaine de la transmission d’informations sur les droits à la santé. Au-delà des dispositifs et des procédures, c’est bien la confiance et la solidarité qui permettent de surmonter les obstacles à l’accès aux soins.

Sensibiliser son entourage aux droits à la santé constitue ainsi un acte citoyen à la portée de chacun. Cette démarche contribue à réduire les inégalités d’accès aux soins et à faire progresser l’effectivité du droit à la santé pour tous. Dans un contexte de tensions persistantes sur le système de santé français, cet engagement citoyen représente un complément indispensable aux politiques publiques.

Cet article est un extrait du livre Urgence Santé – Réparer l’accès aux soins en France par Vincent Lemoine -ISBN 978-2-488187-11-4.

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