1. S’informer et orienter : devenez relais d’information
Les dispositifs locaux d’accès aux soins existent mais restent méconnus. Selon l’enquête du Centre d’Observation des Territoires (COT), 68% des Français ignorent l’existence des Permanences d’Accès aux Soins de Santé (PASS) dans leur secteur. Saviez-vous que chaque département compte en moyenne 12 dispositifs d’aide à l’accès aux soins différents ?
Dans le quartier Saint-Martin à Rennes, Marie Dubois a créé une cartographie interactive des ressources de santé. « J’ai commencé par recenser les PASS, puis les maisons de santé, les centres de santé municipaux et les médecins pratiquant le tiers payant. En six mois, 300 habitants ont consulté cette carte et trouvé une solution adaptée à leur situation », explique-t-elle.
Pour vous aussi, devenir relais d’information est simple :
- Identifiez les PASS de votre territoire (généralement situées dans les hôpitaux publics)
- Repérez les maisons et centres de santé pratiquant des tarifs conventionnés
- Recensez les associations proposant des permanences de soins gratuits
- Listez les numéros d’urgence médicale et sociale de votre département
Le Dr Moreau, médecin généraliste à Lille, constate : « La moitié des patients en situation de renoncement aux soins ne connaissent pas les dispositifs d’aide auxquels ils ont droit. Un simple relais d’information peut faire toute la différence. »
2. Soutenir les initiatives locales : du bénévolat à la contribution financière
Les initiatives citoyennes jouent un rôle déterminant face aux défis d’accès aux soins. L’association « Santé Pour Tous » à Marseille illustre cette dynamique. Fondée par des habitants du quartier nord, elle mobilise 50 bénévoles et organise des consultations gratuites chaque samedi matin grâce à des professionnels volontaires.
« Notre financement participatif a permis d’acquérir du matériel médical de base pour nos permanences. Avec 10 000 euros collectés, nous avons pu équiper trois salles de consultation », indique Pierre Lambert, coordinateur du projet.
Ces initiatives se multiplient : épiceries solidaires incluant des produits d’hygiène, groupements d’achats pour les médicaments non remboursés, systèmes d’échange local intégrant des services de santé.
Comment agir concrètement :
- Proposez vos compétences en bénévolat (accueil, traduction, transport, soutien administratif)
- Participez au financement par des micro-dons réguliers (5€/mois suffisent)
- Offrez des heures de garde d’enfants pendant les consultations
- Mettez à disposition des locaux pour des permanences mobiles
L’impact de ces contributions s’avère significatif : selon l’étude de l’Observatoire National de la Santé Solidaire (ONSS), chaque euro investi dans ces dispositifs citoyens génère 7€ d’économies pour le système de santé.
3. Veiller sur son entourage : la vigilance citoyenne comme première ligne de détection
Dans le village de Montclair (430 habitants), Jeanne Petit a mis en place un réseau de « voisins vigilants santé ». Le principe est simple : chaque participant s’engage à être attentif aux signaux d’alerte chez ses voisins, particulièrement les plus âgés ou isolés.
« Nous avons identifié trois situations critiques en un mois : une personne âgée qui ne prenait plus ses médicaments, un homme diabétique sans suivi depuis six mois, et une mère célibataire qui renonçait aux soins pour ses enfants faute de moyens de transport », explique Jeanne.
Les signaux d’alerte à surveiller :
- Absence inhabituelle aux activités collectives
- Difficultés de déplacement soudaines ou progressives
- Mentions répétées de problèmes de santé non traités
- Boîtes aux lettres qui débordent de courriers médicaux
- Expressions de renoncement aux soins pour raisons financières ou logistiques
L’approche recommandée reste le dialogue bienveillant : « Je vous ai trouvé fatigué ces derniers temps, avez-vous pu consulter votre médecin ? » plutôt qu’une surveillance intrusive.
Cette vigilance citoyenne a montré son efficacité : l’Association Nationale de Prévention en Santé Publique estime que 40% des situations de renoncement aux soins pourraient être détectées par l’entourage proche.
4. Participer à la démocratie sanitaire : faire entendre la voix des usagers
Les décisions concernant l’organisation des soins se prennent souvent sans les principaux intéressés. Pourtant, les instances de démocratie sanitaire existent et manquent de participants.
À Saint-Etienne, le collectif « Ma Santé, Ma Voix » a mobilisé 200 habitants pour participer aux consultations publiques de l’Agence Régionale de Santé. Résultat : l’adaptation des horaires d’ouverture du centre de santé municipal et l’installation d’une navette desservant l’hôpital.
« Nous avons découvert que notre participation était non seulement possible mais attendue. Les autorités sanitaires manquent cruellement de retours d’usagers », souligne François Martin, porte-parole du collectif.
Canaux d’action accessibles à tous :
- Conseils de quartier et commissions santé des mairies
- Consultations publiques des Agences Régionales de Santé
- Représentation des usagers dans les établissements de santé
- Questionnaires de satisfaction et retours d’expérience patients
L’impact politique n’est pas négligeable non plus : lors des dernières élections municipales, 64% des programmes incluaient des mesures d’accès aux soins, contre seulement 26% six ans auparavant.
Sophie Leroy, élue locale à Toulouse, confirme : « Les citoyens qui s’expriment sur ces questions lors des réunions publiques influencent directement nos priorités budgétaires. »
5. Diffuser l’information santé : devenir ambassadeur de la littératie en santé
La compréhension des informations de santé représente un défi majeur : 40% des Français éprouvent des difficultés à s’orienter dans le système de santé et à comprendre les informations médicales.
À Strasbourg, le réseau « Info Santé Claire » forme des citoyens volontaires à la transmission d’informations sanitaires accessibles. Ahmed Benmoussa, boulanger de profession, participe à ce réseau : « J’ai appris à expliquer simplement les démarches pour obtenir la Complémentaire Santé Solidaire. J’affiche ces informations dans ma boulangerie et j’aide en moyenne deux personnes par semaine. »
Le réseau compte aujourd’hui 80 ambassadeurs qui touchent près de 5000 personnes par an. Les informations diffusées concernent principalement :
- Les droits en matière de couverture maladie
- Les parcours de soins coordonnés et leurs avantages
- Les dépistages recommandés selon l’âge et les facteurs de risque
- Les alternatives aux urgences pour les soins non programmés
- Les applications mobiles de santé fiables et gratuites
Devenir ambassadeur ne nécessite pas de compétences médicales, mais une formation simple aux informations de base et aux sources fiables.
Le Dr Legrand, médecin de santé publique, confirme l’impact de ces initiatives : « Ces réseaux citoyens touchent justement les personnes qui n’accèdent pas aux canaux d’information traditionnels. »
Mesurer l’impact collectif : quand les petits gestes transforment le système
La somme des initiatives citoyennes produit des résultats mesurables. Dans les quartiers où les cinq gestes décrits sont activement pratiqués, l’Observatoire des Inégalités de Santé note :
- Une réduction de 23% du renoncement aux soins
- Une diminution de 18% des hospitalisations évitables
- Une augmentation de 35% du recours aux dispositifs de prévention
L’impact économique s’avère également significatif : chaque euro investi dans ces initiatives génère 4,5€ d’économies pour l’Assurance Maladie, principalement en évitant des complications et des hospitalisations.
Le professeur Dupont, économiste de la santé, analyse : « Ces chiffres démontrent que la participation citoyenne ne relève pas seulement de la solidarité, mais constitue un véritable levier d’efficience pour notre système de santé. »
Témoignage : la mobilisation citoyenne face à la fermeture d’un service d’urgences
Face à l’annonce de fermeture des urgences de nuit de l’hôpital de Monceau, les habitants ne se sont pas résignés. Valérie Thomas, enseignante, raconte : « Nous avons d’abord créé un groupe de 15 personnes, chacune responsable d’informer son réseau. En trois semaines, nous avons constitué un collectif de 500 personnes. »
Leur action s’est déployée sur plusieurs fronts :
- Cartographie des besoins réels de la population
- Participation massive aux consultations publiques
- Organisation d’une permanence d’information sur le marché
- Proposition d’alternatives comme un service mobile d’urgence
Résultat : le maintien d’un service d’urgence allégé et la mise en place d’une maison médicale de garde financée conjointement par l’hôpital, la municipalité et une fondation privée.
« Ce qui a fait la différence, c’est notre approche constructive. Nous n’avons pas seulement protesté, nous avons proposé des solutions viables », souligne Valérie.
Et vous, par où commencer ?
Face à l’ampleur des défis d’accès aux soins, l’action individuelle peut sembler dérisoire. Pourtant, l’expérience prouve que chaque initiative compte. Par où commencer ?
- Évaluez les besoins de votre territoire : quels sont les problèmes d’accès aux soins les plus aigus dans votre environnement immédiat ?
- Identifiez vos compétences : que pouvez-vous apporter (temps, expertise, réseau, soutien logistique) ?
- Rejoignez l’existant : quelles initiatives sont déjà en place près de chez vous ?
- Créez des ponts : comment relier les acteurs déjà mobilisés ?
- Mesurez votre impact : combien de personnes avez-vous aidées à mieux accéder aux soins ?
La mobilisation citoyenne ne remplace pas les responsabilités des pouvoirs publics, mais elle constitue un levier puissant pour faire évoluer le système de santé vers plus d’équité et d’efficacité.
Comme le résume Claire Durand, sociologue de la santé : « L’accès aux soins n’est pas qu’une question technique ou financière, c’est avant tout une question de lien social et de solidarité concrète. »
Cet article est un extrait du livre Urgence Santé – Réparer l’accès aux soins en France par Vincent Lemoine -ISBN 978-2-488187-11-4.